Les Cyclamens d’Aïn Zitari


Des Cyclamens à Auribeau


Les CYCLAMENS d’AÏN-ZITARI

Ces majestueuses, fragiles et si rares fleurs de nos campagnes renaissent en automne dès le mois d’octobre, pour s’éclipser à la fin de novembre, laissant derrière elles, tout aussi gracieux que les fleurs, une profusion de leur feuillage vivace jusqu’en été.
Dans une éblouissante éclosion discrète dans des lieux ombragés et humides à l’abri des lentisques qu’elles affectionnent particulièrement ,les cyclamens se rencontrent en quelques endroits autour d’Auribeau, même au pied d’eucalyptus , là où il est admis que rien ne pousse; au voisinage de filets d’eau descendus des hauteurs qui suintent une eau claire sans presque jamais s’assécher ,si ce n’est que pour une courte période en été ; à ce moment-là il ne restera des cyclamens que les bulbes sous terre attendant les prochaines pluies. Au Guerguer, qui signifierait terres incultes , une colline boisée de lentisque ,ciste, chêne-liège et d’ une multitude d’arbrisseaux épineux , serpentent des rus peuplés de grenouilles croassant à l’unisson à la belle saison ; dans leur chute en hiver les eaux abondantes de ces rus font de petites retenues d’eau grouillantes de vies ,des têtards notamment, où foisonne le cresson de fontaine avide d’eau claire , les renoncules jaune d’or aux feuilles palmées , les pâquerettes aux blancs pétales parfois nervurés de mauve, les narcisses aux clochettes odorantes, et les mémorables cyclamens aux fleurs d’un rose pâle dont les pétales sont curieusement dirigés vers le sol comme une révérence, contrairement aux autres fleurs qui s’épanouissent vers la lumière pour recevoir les insectes pollinisateurs. Pour le plaisir de nos yeux, les cyclamens s’offrent en bouquets, en pousses éparses et en de surprenantes couronnes formées naturellement, parmi les gouets à capuchon, une variété d’arum, et les asphodèles dont elles affectionnent le voisinage. On ne les rencontrera jamais aux abords des chemins de campagne, les passages de bêtes ou dans les clairières; fleurs à la courte vie elles aiment se blottir sous la protection des lentisques qui pourraient leur donner ombre et nutriments ; une étude pourrait révéler une composition particulière du terreau nourricier fait de feuilles de lentisque en décomposition propice à l’épanouissement des cyclamens. L’habitat de ces timides fleurs s’étend loin au flanc des versants escarpés où s’accrochent les douars Mouger, Mengouche et Mellila ; devant notre curiosité inassouvie sur la vie cachée de ces fleurs, les habitants de ces lieux semblaient, eux, connaître parfaitement leur cycle puisqu’ils nous disent utiliser, après leurs parents et ancêtres, la sève contenue dans leur bulbe pour soigner radicalement la cataracte des bovins !

Dans les années 1950 vivait à Auribeau la famille Balloy: l’épouse, Julie Balloy allait souvent à la belle saison cueillir des plantes champêtres comestibles , la raiponce campanule aux jolies fleurs bleues, le salsifis, la doucette et quelquefois pêcher les grenouilles dans les flaques d’eaux et les rus venus d’Aïn-Zitari et des collines plus haut ; l’adroite dame les appâtait avec un morceau de chiffon rouge accroché à un hameçon , couleur vive qui le fait ressembler à une libellule ou une mouche , leur nourriture abondante en ces lieux . Dans cette escapade champêtre Mme Julie Balloy était souvent accompagnée de sa petite fille Lyliane alors âgée de 10-11 ans ; rebutée par les captures visqueuses de sa grand-mère, la jeune fille allait de son côté cueillir des fleurs et en automne des bouquets de cyclamens pour les offrir à sa mère Marthe Balloy-Raboutot au jour de son anniversaire qui coïncidait avec la floraison des cyclamens. Cette illustre Auribeaudoise, Marthe Balloy-Raboutot n’est autre que la bienfaitrice qui a sauvé d’une mort certaine, Derradji, le bébé de Dehbia, en l’allaitant à son sein aux côtés de son fils Jacques. En remémorant cette belle histoire en novembre 2008, et afin de perpétuer la tradition, des auribeaudois ont marché sur les pas de Lyliane, la fille de Marthe Balloy, au Guerguer vers Aïn-Zitari pour aller sortir de l’oubli les cyclamens de son enfance, Majestueuses, elles étaient au rendez-vous : avec le numérique, ils en ont « formé » des bouquets qu’ils lui ont fait parvenir virtuellement par le NET pour les offrir à sa maman au jour de son anniversaire. Quelques mois après Marthe Balloy nous quittait en février 2009 à l’âge honorable de 96ans .Les anciens d’Auribeau, le noyau historique, ont tenu à honorer sa mémoire, du mieux qu’ils ont pu, en déposant virtuellement sur sa tombe une couronne des cyclamens qui poussent non loin de son village natal dans les lieux enchanteurs où jadis elle aimait se promener. Pour ne pas faillir à la coutume et avec un recul d’un demi-siècle l’émouvante histoire vécue de Dehbia et de son amie Marthe Balloy est venue s’ajouter à d’autres légendes qui ont fait l’âme d’Auribeau ; désormais elle sera évoquée inlassablement dans nos foyers les soirées des jours pluvieux propices aux contes et aux rassemblements autour d’un feu ; elle entretiendra ainsi la mémoire de ce que fut autrefois la vie entre deux communautés à la fois si différentes et si proches l’une de l’autre ,qui avaient commencé à s’entremêler , à échanger leurs coutumes et auraient sûrement fini par se confondre…

Depuis les temps anciens, comme encore aujourd’hui, les cyclamens poussent à Aïn-Zitari et autour du petit village de notre enfance ; elles veillent, frêles sentinelles, à entretenir la mémoire de ce que furent ces lieux magiques, enfouies à tout jamais dans nos cœurs au-delà des monts, au-delà des mers, et les cyclamens renaîtront toujours à Auribeau afin que nul n’oublie notre formidable et tumultueuse Odyssée commune.

Amor MOUAS, enfant d’AURIBEAU.

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14 commentaires pour Les Cyclamens d’Aïn Zitari

  1. Ping : ‘Jemmapes et sa région’ – En tête, les n° 80 à 84. | Alyc

  2. Souhila. dit :

    Bonjour, Je suis emerveillee ! J’aime les cyclamens et j’ai developpe une passion tres speciale pour cette fleur ! D’apres la saison de floraison, je dirai que c’est Cyclamen africanum, une espece native/endemique d’Algerie. Avez-vous pris des photos in situ de cette belle plante? Merci.

    • Mouas dit :

      Bonjour.oui plein de photos de cyclamens qui poussent abondamment dans mon bled.je pourrai vous en faire parvenir.cordialement.

      • Souhila dit :

        Bonjour, je vous remercie pour votre gentil message.Oui, avoir des cyclamens de votre région m’intéresserait beaucoup. Cordialement.

    • Mouas dit :

      Bonjour,indiquez moi svp le canal pour vous envoyer les photos.une adresse mail peut-être?bonne journée.

    • yala kamel dit :

      bonjour.le cyclamen est trés répandu dans les pays du moyen orient..(syrie..egypte..etc)mais qui pousse aussi et a profusion dans les pays du bassin méditerranéen..toutefois cette magnifique fleur a un inconvénient..elle est toxique.on raconte aussi.que. posé sur le rebord d’une fenetre d’une chambre nuptiale.il entretient le bonheur du couple..il éxiste une variété de cyclamen …….. mauve..blanc..rouge..

  3. CUOMO René dit :

    A tous: à la Pâque avec mon père nous allions dans la colline face au versant du Montplaisant ramasser des racines. Ces racines que je suppose venir de certaines plantes arbustes nous permettaient d’avoir des oeufs de couleur rouge vif. Une fois ramassées, nous ramenions ces racines à la ferme de Monté Christo. Avec un marteau, nous les tapions, sur une planche de bois, afin de récupérer l’écorce. Evidemment, nos mains étaient rouges. Maman faisait bouillir l’ensemble en y ajoutant les oeufs qui, après ébullition, devenaient rouges et nous nous régalions de les déguster à la Pâque. Avez vous souvenir, vous Philippevillois, de cela. Amitié, René CUOMO.

  4. Gilles du Montplaisant dit :

    Je suis plus âgé que vous mais les noms que vous citez ne me sont pas du tout inconnus (même celui de MAZELLA !). Pour permettre un échange de correspondance en direct, veuillez vous signaler de nouveau au Webmaster car son courriel qui vous était destiné a été rejeté (pb. d’adresse @ ?) ; il pourra vous communiquer mes coordonnées.
    Amicalement,
    GDM

    • FENIOUX Monique dit :

      Ces petits cyclamens nous les ramassions dans un petit bois en face du Montplaisant, (côté campagne) après avoir traversé un grand champ où des moutons paissaient. et qui bordait les villas habitées , (il y avait les familles Greque, Bohn-Azzopardi, Julien (dont la petite fille s’appelait Yvanne etc…) Dans le bas, ensuite une petite route bordée d’amandiers et le petit bois se trouvait de l’autre côté de la route. C’était une belle promenade.
      J’ai gardé un merveilleux souvenir de cette époque puisque née en 41 . Nous avons partagé avec les trois principales communautés qui vivaient ensemble nos fêtes, nos traditions et nous nous respections. Tout en haut du Montplaisant où nous habitions, certaines maisons étaient occupées par des Français d’origine diverses, et d’autres par des Algériens, notre vis à vis étant un notable musulman qui savait se faire respecter par ses congénères et particulièrement par leurs enfants!
      Les noms de famille Missud, Mattéra, me sont très familiers et je leur dis un petit bonjour. Nous étions certainement ensemble à l’école du Faubg et à Ste Thérèse.
      En France j’ai eu la chance de retrouver cette espèce de cyclamens de mon
      enfance que je protège et garde précieusement .

  5. MAZELLA dit :

    Salut.
    J’avais 14 ans en 63 et nous habitions chez Galéa à la limite des champs près de la ferme Mattera qui loger sur le même palier. Je parle moi du Gilles Guitard et de la bande qui « sévissait » près du « mur ». Le Gilbert c’est Missude un petit nerveux sont père était plombier. Arrivez vous à nous situer?
    Amicalement .
    Alain MAZELLA

  6. Gilles du Montplaisant dit :

    Superbe page remplie de sensibilité. Quel émouvant récit, bravo !
    Le mauvais Vent de l’Histoire pourra-t-il tourner car les deux, voire trois communautés de ce magnifique pays ont une richesse commune : l’amour de cette terre qui nous a vu naître.

    • MAZELLA dit :

      Alain du Montplaisant:
      Es-tu le Gilles qui m’enmenait plonger à Stora ?
      Si oui, Gilbert du Montplaisant a mon adresse mail.
      Salut

      • Gilles du Montplaisant dit :

        Bonjour Ami du Montplaisant,
        N’ayant pas souvenir d’avoir emmener quelqu’un aller plonger à STORA, je viens tout de même aux nouvelles. Je sais qu’au Montplaisant il n’y avait pas qu’un seul Gilles ni qu’ un seul Gilbert. En échangeant en direct des noms, des dates, nous pourrions peut-être éclairer ces pages de vie.
        Je reste à disposition.
        Bien amicalement,
        Gilles du Montplaisant

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